LA VIE DE JOINA

12 août 2010

L’oursin qui voulait faire un câlin

Filed under: Histoires — joina @ 06:04
Il était une fois une petite créature innocente toute ronde et tendre qui voulait découvrir le monde. Elle aimait beaucoup les câlins et n’avait aucune raison de penser qu’on puisse lui en refuser. Mais en grandissant elle croisa la route de diverses bêtes piquantes. Quand elle s’approchait pour faire un câlin leurs épines lui écorchaient la peau et alors elle comprenait qu’il fallait mieux reculer. Mais comme elle avait besoin d’amour elle retentait régulièrement l’expérience avec ceux qu’elle croisait. Chaque piqure la laissait un peu plus craintive et déroutée. Naviguant de désillusions en désillusions elle perdait doucement confiance en elle, en son droit de recevoir des câlins, elle commençait même à se demander si après tout elle était digne d’en recevoir, et s’il ne serait pas plus sage d’abandonner cette idée et de vivre en ermite, en barricadant la porte pour ne plus qu’aucune épine ne puisse entrer. Puis un jour elle réalisa qu’à l’emplacement de chacune de ses blessures avait poussé une épine. Au bout de quelques années elle se retrouva entièrement couverte d’épines, qui ne se rétractaient que lorsqu’elle était seule. Sa peau était toujours aussi douce et tendre, et elle avait toujours autant besoin de câlins, mais il lui était maintenant impossible d’en faire ou d’en recevoir, car elle savait la douleur que ceux-ci provoquerait, chez elle comme chez les autres. Alors quand elle se promenait elle veillait à toujours laisser une distance entre elle et ceux qu’elle croisait, pour être sûre que personne ne serait blessé.

Puis pendant une de ses ballades elle rencontra une créature semblable à elle, qui était elle aussi recouverte d’épines, et qui bien que très amicale se tenait à l’écart pour ne pas piquer ou être piquée. Cette autre créature avait elle aussi eut un jour envie de câlins, mais elle avait aussi rencontré son lot d’épines, et vu poussé les siennes. Elle avait donc enterré cette envie très profond pour ne plus la voir, et disait à qui voulait l’entendre qu’elle était bien comme ça, que les câlins ne lui manquaient pas. Au bout d’un moment à force de se côtoyer sans se toucher, les deux créatures se mirent à réaliser à quel point elle se sentaient bien et fortes ensemble. Elles oubliaient parfois la présence de leurs épines, et se rapprochaient dangereusement, ce qui finissait toujours par blesser l’un ou l’autre. Alors ils se séparaient subitement, et tentaient de mettre le maximum d’espace entre eux. Souvent ils se sentaient honteux ou stupides d’avoir oublié de faire attention aux épines. Mais comme ils s’aimaient beaucoup ils revenaient toujours l’un vers l’autre dès que la blessure était cicatrisée, et ils répétaient sans arrêt les mêmes erreurs car ils n’avaient aucune idée de ce qu’ils devaient faire pour arranger les choses.

Ils se mirent à réfléchir chacun de leur côté pour trouver une solution. Ils voulaient comprendre pourquoi leurs épines se rétractaient quand ils étaient seuls, et ne sortaient que quand quelqu’un s’approchait. Ils réalisaient l’absurdité de la situation. Et puis ils comprirent que c’était la peur d’être piqué qui faisait sortir leurs épines. Ils firent plusieurs tests et se rendirent compte que cette peur s’était peu à peu emparée d’eux depuis leur enfance, grandissant chaque fois qu’ils avaient entendu quelque chose comme "Va t’en je ne veux pas de toi" ou "Tu me déçois" ou bien encore "Je m’en vais, je vais te laisser tout seul". En prenant conscience de cette peur et en se remémorant tous les évènements qui l’avaient fait grandir, ils apprirent peu à peu à la calmer et à la maitriser. Ils firent l’expérience d’avancer l’un vers l’autre en contrôlant leur peur et leur surprise fut grande quand ils virent que leurs épines ne sortaient pas. Ils se sentaient nus, fragiles et sans défense sans elles, mais cela leur permettait de se frôler sans souffrir. Ils en tirèrent une grande joie, qui leur donna la force de progresser dans cette direction en s’améliorant un peu chaque jour. Plus ils progressaient et plus leur besoin de câlins refaisait surface. Quand ils eurent acquis assez d’assurance dans l’art de retenir leurs épines ils purent enfin gouter aux joies d’un câlin, et ce fut le câlin le plus doux et le plus tendre qu’il soit, car leur peau qui ne voyait que rarement le jour avait gardé la même texture fine et délicate que quand ils étaient petits. Ils prirent gout à ces câlins et ne purent vite plus s’en passer. Puis ils vécurent heureux tous les deux en n’oubliant jamais que c’était la peur qui contrôlait les épines. Certains jours il leur arrivait encore de se blesser ou de sortir leur épines, mais ensuite ils se souvenaient à quel point ils avaient envie et besoin de câlins, et ils faisaient en sorte que rien ne puisse les en priver trop longtemps.

Merci au scorpion et à l’alligator qui m’ont inspiré les bases de cette histoire.

Propulsé par WordPress.com.